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Carnet d’auteur – Arena: For the Gods!

Publié le 1 juin 2017

Maxime Rambourg – Auteur

J’ai l’impression que ce jeu me suit depuis toujours. Si la mémoire pouvait être une valeur sûre, j’affirmerais même que c’est mon premier prototype. Evidemment, au fur et à mesure des années, la chose a évolué avec moi et ma compréhension du monde ludique, mais le principe de base était toujours là : des personnages aux super-pouvoirs dans une arène et… de la baston !

Éclate Arena

Les premiers souvenirs d’une création dans ce sens remontent à l’adolescence, vers 13-14 ans, peut-être même un peu avant : à l’époque où se confronter au monde se fait naturellement par les jeux, quels qu’ils soient.

J’ai eu l’immense chance d’être le membre d’une bande d’amis très soudés et j’associe beaucoup ce jeu à cette période-là. Je me souviens des premiers tests où nous étions tous ravis de pouvoir nous en mettre plein la face. Et avec cela une prise de conscience que le jeu a ce pouvoir de catharsis : Il vaut mieux envoyer une bonne grosse boule de feu dans ses potes lors d’une partie que se mettre franchement sur la gueule pour apaiser les tensions.

À ce moment-là, le jeu n’a pas beaucoup de lien avec celui qui voit le jour aujourd’hui dans une belle boîte. “C’est long”, “c’est compliqué”, “c’est franchement déséquilibré” se plaignait souvent le perdant. Mais, il y a déjà ce quelque chose de jouissif : une bonne baston ! Les thématiques changent au rythme de mes lectures ou des séries que je regarde. Je passe de magiciens gris ou blancs à des chevaliers aux armures zodiacales, des méca géants à coups de fulguropoing aux épéistes écossais immortels, puis les orcs, les nains, les elfes, les barbares…

La mécanique change à chaque version. C’est mon jeu fourre-tout, il y aura même une version avec une balle et des buts !

Mais les hexagones s’installent profondément et le concept de pouvoirs variés commence à voir le jour. Pourtant c’est très classique : les points de vie sont encore visibles, il ne doit en rester qu’un, les personnages ont déjà leurs pouvoirs établis… Et puis le jeu disparaît, ressort quelques années plus tard, et disparaît à nouveau…

Bien après cette époque, je découvre seulement les jeux de société modernes, et c’est une révélation. Jusque-là, je ne savais même pas qu’il y avait un auteur derrière un jeu, je créais pour moi et mes potes, sans jamais avoir à l’esprit que cela puisse en être autrement. Mais une claque n’arrive jamais seule et je me rends aussi compte que le jeu est bien plus important que la vaine futilité qu’on lui donne et que mes créations sont bien loin d’être à la hauteur de ce que je découvre jour après jour. Mes protos sont tous mis au placard, j’arrête de créer pour jouer à tout le plus souvent possible.

La vie suit son court et je deviens le fondateur du Café-Jeux la Feinte de l’Ours à Nancy, c’est à cette période que tout naturellement, je me remets à la création ludique, mais de façon beaucoup plus sérieuse et avec une connaissance ludique bien plus large .

The Big Book of Madness me prendra du temps, et lorsque je ressors mon Arène, j’ai toujours cette sensation bête de grosse chose vulgaire et un peu « bourrine » que je n’assume pas trop. Pourtant, je continue à évoluer dans un monde de joueurs. Non seulement je joue, mais je regarde des gens jouer tous les jours et j’observe les comportements. Un café-jeux est un véritable observatoire de tout un tas de choses et j’essaye de comprendre pourquoi les gens me demandent régulièrement : « un jeu où on se tape dessus ! »Je ne peux pas m’empêcher de repenser à mon adolescence et à l’Arène qui traîne dans un placard.

Big Book Of Madness

Oui, ça fait du bien de se taper dessus pour de faux, pour le jeu, pour la gloire éphémère. De jouer à faire semblant.

Ma volonté, ensuite, est de dépoussiérer le proto et surtout de le simplifier car il est à mon sens trop long et trop compliqué. Le plaisir du jeu réside dans la baston alors baston ! Mais le processus n’est pas si simple, et la mécanique reste encore trop classique. Il me vient alors l’idée que les pouvoirs variés des combattants soient des armes, des équipements et qu’ils ne soient pas forcément attribués à un personnage : que l’on puisse construire sa combinaison.

Personnages Arena

Reste encore  le problème de la thématique, dans l’état actuel c’est un peu plat. J’opte alors pour du grand n’importe quoi : un sabre laser, un fouet, des roller, des tempête de mana, un bon gros mélange de tout et surtout de n’importe quoi, c’est plus rigolo, ça détend un peu la bagarre, et donc ça permet de se bastonner plus facilement et puis l’absurde, ça me fait rire.

Mais tout cela est encore trop classique à mon goût. Ce sont deux facteurs qui viendront transformer Arena pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. Et ces deux facteurs sont totalement dépendantes l’une de l’autre.

Pendant ma réflexion sur l’obtention de ces fameux équipements de départ, il me vient parmi une multitude d’idées saugrenues l’idée d’une enchère… en point de vie. Oui, pourquoi pas, c’est drôle. Pour que cela fonctionne, il faut que les points de vie soient cachés afin que la mise soit secrète. Et si les points de vie sont cachés à ce moment de la partie, autant qu’ils le restent tout au long de la partie. Ok, c’est sympa mais ça ne sert pas à grand-chose. Une fois que l’on est mort, on doit le dire et au final ça ne change rien. Sauf si… la partie se termine à ce moment précis et que les points de vie deviennent des points de victoire !

Cela partait simple à la lecture mais ce qu’il faut comprendre c’est que ce dernier paragraphe représente entre 6 mois et 1 an. S’en suit c’est le contrat avec IELLO puis le jeu disparaît une fois encore dans un placard. The Big Book of Madness prend énormément de retard pour un tas de raisons et d’autres aléas viennent alourdir ce retard. Il faudra 3 ans pour que le jeu soit à nouveau à l’air libre.

La suite correspond à un développement classique avec un éditeur. Beaucoup d’échanges pour toujours simplifier un maximum d’éléments. Pour qu’il plaise, il faut que le jeu soit dynamique et qu’il soit bien équilibré, notamment pour que la phase des enchères conserve son intérêt. Bref de la bidouille. La thématique est remise en cause, on échange alors avec IELLO qui décide de partir sur un univers qui doit en imposer : des élus des dieux avec un mélange de toutes les Mythologies. N’étant pas particulièrement fan du mystique et du divin, je doute un peu, mais très vite une chose va me rassurer : le travail de l’illustrateur Paul Mafayon.

Armes Arena

Dès le début lorsque IELLO m’annonce qu’il souhaite demander à Paul Mafayon d’illustrer le jeu, je suis super fier et honoré. À l’époque, je trouve qu’il fait du très bon boulot. Maintenant, je sais que c’est beaucoup plus que ça. Comme à mon habitude, je harcèle le chef de projet pour recevoir les illustrations au fur et à mesure et je suis comme un gamin à chaque nouvelle arme, à chaque nouvelle monture… Ho oui, les montures ! Et puis tout un tas de petites choses : les cadres des cartes retravaillés pour interagir avec les illustrations, les paravents, le plateau, tout ! Il a fait un travail de dingue sur ce jeu, non seulement en quantité mais surtout en qualité.

Pour conclure : les finitions, toujours trop longues quand il s’agit de son jeu. Puis l’attente, encore. Au moment où j’écris ces lignes, les boîtes sont en chemin quelque part à l’Est et il faut encore attendre. J’ai hâte. Je ne sais pas du tout quel sera l’avenir de ce jeu, mais quoi qu’il arrive, malgré les appréhensions naturelles qui accompagnent une sortie, j’ai encore et toujours envie de continuer à créer plus de jeux !

 

Timothée Simonot – Chef de Projet 

En tant que chef de projet, mes tâches vont de la direction artistique à la recherche de bugs dans les règles, en passant par la négociation du devis et la validation du thème. Cela  consiste à valider chaque étape de la création du produit et à faire le lien entre tous les acteurs qui y participent (auteur, illustrateur, graphiste, fabricant, et relecteurs).

Pour les illustrations, le choix de Paul Mafayon a été naturel. Tout d’abord j’apprécie beaucoup le travail qu’il a réalisé sur ses précédents projets et je souhaitais un style graphique proche de ce qu’il avait pu réaliser sur les armes de Welcome to the Dungeon. Je souhaitais que les illustrations des cartes se différencient des sempiternelles cartes équipement de jeux d’affrontement, c’est pourquoi j’ai demandé à Paul de faire interagir chaque illustration avec son cadre.

Pour la composition de la couverture, je voulais une scène dynamique et qui reprenne le principe d’interaction avec le cadre et j’aime bien jouer avec le logo IELLO… D’où le choix d’un premier plan avec une arme projetée vers le joueur qui pulvérise au passage un coin de la boîte.

Pour la mécanique, avec Maxime, on a souhaité accélérer le rythme des tours par rapport aux premières versions auxquelles on a pu jouer. Cela a été rendu possible avec des effets plus simples et moins de relances de dés. Maxime a ensuite retravaillé chaque carte en fonction de leur illustration et de leur nom. Nous avons discuté régulièrement pour peaufiner et simplifier certains effets et éviter les réactions en chaîne ou les blocages. L’objectif était de rendre le jeu le plus accessible et fluide possible : la complexité et la profondeur doit provenir des choix tactiques et stratégiques proposés joueurs.

Arena: for the Gods ! est mon premier gros projet. Voir les règles évoluer, le jeu se concrétiser via les premières illustrations, puis via les premiers exemplaires produits était passionnant (et parfois un peu stressant !). Les retours des joueurs qui l’ont testé en salon sont encourageants et je vais maintenant suivre son parcours en espérant qu’il rencontrera son public.

Trouver le nom du jeu est bien plus complexe que ce que l’on peut imaginer de prime abord. Mon document Word « nom » pour Arena: For The Gods ! fait 3 pages !

On souhaitait un nom en anglais pour deux raisons : la langue est plus souvent plus percutante pour parler de combat (Street Fighter n’a pas été traduit en Combattant de Rue) et cela simplifie la communication et la localisation du logo-titre présent sur la couverture pour que le nom du jeu soit, au minimum, le même en français, anglais et allemand.

La première étape a consisté à établir une liste des termes se rapportant aux personnages (Heroes, Champions…), à l’opposition (Clash, Battle…), au thème (Gods, Mythic…) et au lieu (Arena, Coliseum…). On a ensuite mixé ces mots afin de sortir une première liste de titres potentiels et on a décliné ceux qui nous plaisaient le plus. On a également cherché un titre avec un nom à consonance antique : on a donc fouillé dans les traductions latines des mots étudiés et retourné plusieurs pages Wikipédia de langues un peu obscures vues d’ici. Pour votre culture, sachez qu’une arène se dit « Arankil » en tamoul.

Boite de jeu Arena

Au bout du compte, on préférait un simple « Arena », à la fois l’anglais du nom du proto (L’Arène) et le terme qui décrit le mieux le jeu. Il s’en est suivi une phase tout aussi longue où l’on a recherché ce qui existait avec le nom « Arena » : plus de 200 références sur Board Game Geek et des dizaines de marques. On a donc souhaité adjoindre un complément au titre, qui soit au même niveau qu’« Arena » (Heroes of the Arena, Divine Arena…) ou plus en retrait (Arena: Theater of Myth, Arena : Path to Glory…). À la fin du processus, c’est Arena: For the Gods ! qui a été retenu. « For the Gods ! » est court, contient des mots compréhensibles en français, fait référence au thème mythologique et on le voit comme le cri qui lance le combat dans l’arène, c’est pourquoi il s’est détaché et apparaît aujourd’hui sur la boîte.