Richard Garfield sort de son terrier pour parler de Bunny Kingdom !
Richard Garfield, auteur américain de jeux de société, s’est prêté au jeu de l’interview pour parler du développement de Bunny Kingdom et sa collaboration avec IELLO. Richard Garfield est le créateur, entre autres, du jeu de cartes Magic The gathering, Netrunner, BatlleTech, et du jeu de société King of Tokyo. Bunny Kingdom est un jeu de draft et de placement qui sortira en septembre 2017 dans lequel vous incarnez des seigneurs lapins qui partent à la conquête d’un nouveau monde.
IELLO : En tant que joueur, quelles sont les mécaniques que vous préférez retrouver dans un jeu ?
Richard Garfield : J’affectionne tout particulièrement les jeux demandant à la fois beaucoup de maîtrise et de chance — comme le poker — dans lesquels le joueur peut vraiment développer un talent tout en ayant la possibilité de partager une partie avec des joueurs plus occasionnels sans être certain de l’emporter. Et, toujours comme au poker, j’aime qu’il y ait beaucoup d’informations cachées, ce qui donne aux joueurs la possibilité de deviner et d’ajuster leur façon de jouer à ce qu’ils pensent qu’il va se produire, plutôt que d’essayer de déterminer lequel d’entre eux est le plus à même d’analyser ce que tout le monde peut voir.
IELLO : Selon vous, qu’est-ce qui rend Bunny Kingdom unique ?
R.G. : La puissance des cartes dans Bunny Kingdom évolue fortement entre le début et la fin de la partie, mais également d’une partie à l’autre, ce qui en fait un jeu de draft vraiment passionnant. Développer votre royaume en essayant de relier des éléments variés pour marquer un maximum de points est un défi à la fois excitant et très satisfaisant lorsqu’il est réussi. De nombreux joueurs recherchent et apprécient ce sentiment de construire quelque chose au cours d’une partie, et dans Bunny Kingdom, ils auront l’occasion, à chaque partie, de bâtir quelque chose d’unique.
IELLO : Dans ce jeu, les joueurs prennent la tête de plusieurs clans de lapins. Comment ce thème s’est-il imposé ?
R.G. : Le thème des lapins était loin d’être ma première idée. Lorsque j’ai présenté le jeu à IELLO, il s’appelait « Dwarven Roads » et les joueurs y incarnaient des clans de nains. IELLO souhaitait cependant un univers plus original et je suis toujours très ouvert à travailler le thème d’un jeu. Nous avons donc envisagé des idées très diverses, comme le développement d’une colonie de fourmis, et au final (après des années), c’est cet univers de petits lapins anthropomorphiques qui a mis tout le monde d’accord.
IELLO : Le jeu a-t-il beaucoup changé durant son développement ? Est-il très différent du prototype original ?
R.G. : Le jeu a évolué sur plusieurs petites choses dans la mesure où j’ai beaucoup travaillé le décompte des points de façon à rendre le jeu plaisant pour des joueurs aux profils et aux compétences très divers. Et puis, chaque changement de thème s’accompagne de petits ajustements nécessaires à l’immersion, pour se sentir, disons, plus fourmi ou plus lapin. Ces modifications restent néanmoins relativement mineures et les joueurs qui ont eu l’occasion de découvrir le jeu en 2008 ne devraient pas être trop dépaysés.
IELLO : Quand vous avez imaginé ce jeu, quelle vision vous faisiez-vous de son matériel ? Est-ce que le produit final en est proche ?
R.G. : Totalement. À la base, je n’avais pas pensé aux lapins, mais ceci mis de côté, le matériel de jeu est, comme toujours, parfaitement conçu et fabriqué par IELLO et il porte au mieux l’expérience de jeu. C’est globalement ce que j’avais en tête et les quelques éléments qui divergent sont finalement de vraies améliorations.
IELLO : Concevoir un jeu est un travail de longue haleine. Avez-vous été confronté à des difficultés pendant le développement de Bunny Kingdom ?
R.G. : Cela n’a déjà pas été simple d’avoir l’adhésion d’un éditeur prêt à soutenir ce jeu : je l’ai terminé en 2008 et alors que le jeu était en passe d’être publié, ils ont fait marche arrière. Je crois que c’était en partie dû au fait que 7 Wonders n’était pas encore sorti et les gens n’avaient pas réalisé à quel point le draft pouvait être une mécanique exceptionnelle. Ce ne fut pas plus simple après sa sortie tant les éditeurs considéraient que 7 Wonders avait « épuisé » ce système de jeu, alors que pour ma part, j’étais convaincu qu’il avait simplement montré aux joueurs combien cela pouvait être amusant.
Il y a eu plein d’autres défis dans le développement de ce jeu. Les parties sont rapides, nous voulions vraiment que les joueurs se sentent à l’aise dès leurs premiers tours de jeu et nous avons dû beaucoup travailler sur ce point. Le système de décompte est à la fois explosif et très excitant, mais cela va souvent de pair avec le sentiment de ne pas pouvoir rattraper son retard. Optimiser à la fois la réalité de la chose et la perception qu’en avaient les joueurs ne fut pas une mince affaire. De plus, les changements de thème entraînaient des réaménagements répétés de petits détails. Je ne crois pas qu’on puisse juste dépeindre un univers une fois le projet bouclé. Les changements mécaniques doivent trouver un écho dans le thème du jeu. Et puis, idéalement, un nouvel univers vous inspire de nouveaux concepts qui n’auraient pas eu de raison d’être en dehors de celui-ci et cela peut considérablement améliorer le jeu en cours de développement.
IELLO : Nous avons confié à Paul Mafayon le soin de créer plus de 200 illustrations différentes pour ce jeu. Que pensez-vous du résultat ?
R.G. : Son travail est extraordinaire. Il donne pleinement vie à ce monde aussi bien sur le plan graphique que ludique. Les tons et couleurs sont juste magnifiques.
IELLO : Dans Bunny Kingdom, il y a une centaine de cases. À chacune d’elles correspond une carte et une illustration spécifique. En plus de cela, il y a les cartes Construction, Parchemin et Ravitaillement. Est-ce que l’une de ces illustrations vous plait tout particulièrement ?
R.G. : Les personnages sont exceptionnels et il est vraiment difficile de dire celui que je préfère. Comme ça, je dirais le Petit Prince … ou peut-être le duo Socialiste/Libéral .
IELLO : Vous êtes également l’auteur de King of Tokyo, un autre de vos succès publié par IELLO. King of Tokyo est un jeu plutôt familial alors dans Bunny Kingdom, les joueurs doivent mettre en place des stratégies plus poussées. En quoi le développement d’un jeu plus accessible diffère-t-il de celui d’un jeu pour joueurs plus expérimentés ?
R.G. : Chaque jeu présente ses propres difficultés et je préfère regarder leurs similarités plutôt que leurs différences. Dans les deux cas, j’ai en tête que les joueurs puissent simplement s’asseoir et jouer, mais je souhaite aussi que les décisions qu’ils prennent au cours de la partie soient telles que les joueurs qui veulent pousser leur réflexion y trouvent suffisamment de profondeur. Je veux également que la chance ait aussi son petit mot à dire afin que des joueurs débutants et des joueurs connaissant bien le jeu passent un bon moment, ensemble. Donner au jeu un univers léger et mignon permettait de répondre à mon premier souhait, et IELLO fait cela vraiment très bien. Il ne me restait plus qu’à bien équilibrer la part de chance dans le jeu et voilà.
IELLO : Ces dernières années semblent marquer une nouvelle ère pour les jeux de société avec de plus en plus de personnes s’intéressant à ce loisir. Selon vous, qu’est-ce qui attire tant les gens ?
R.G. : Je crois que ce phénomène est le reflet de notre société, plus ouverte, plus intellectuelle. Quand j’étais jeune, l’écart entre les « cools » et les « geeks » était très marqué. Aujourd’hui, une personne curieuse ou recherchant le divertissement intellectuel est moins marginalisée. Je pense qu’il y a de nombreuses raisons à ce changement et notamment la réussite grandissante que rencontrent les « geeks » dans le monde moderne ou l’avènement incontestable des jeux électroniques. Les jeux vidéo sont souvent considérés comme l’ennemi des jeux de société, alors que je pense qu’ils sont un des vecteurs de leur renaissance. En grandissant avec les jeux vidéo, les gens sont plus susceptibles de se considérer comme des joueurs et donc plus enclins à s’essayer aux jeux de société. Se considérer soi-même comme un joueur est déjà un grand pas. Ensuite, il leur suffit de découvrir l’étendue et la richesse de la communauté ludique pour nouer des liens avec d’autres joueurs, et ainsi, peut-être, établir des relations humaines authentiques dans un monde ultra-connecté, mais de plus en plus superficiel.
IELLO : Avec qui avez-vous testé ce jeu et quelles ont été leurs réactions ?
R.G. : J’ai joué à ce jeu avec beaucoup de personnes : ma famille, des joueurs occasionnels, des passionnés, des auteurs, des développeurs ayant œuvré sur Magic, etc. Le point positif revenant le plus souvent, c’était le plaisir de construire et développer quelque chose. Les joueurs étaient également surpris que le jeu soit aussi rapide à jouer, vu sa profondeur. Les débutants avaient parfois besoin de conseils pour bien démarrer et de petites astuces comme « concentre-toi d’abord à relier ton empire, tu verras pour les bonus plus tard » suffisaient à les lancer.
Rendez-vous en septembre pour découvrir le jeu !